Časopis ARS 36 (2003) 1

Georges DIDI-HUBERMAN

Hľadanie stratených prameňov
[A la recherche des sources perdues]
[In Search of Lost Sources]

(Resumé)

Ninfa serait ce leitmotiv, qui reapparait avec frequence dans les images occidentales, cette Ninfa dont Aby Warburg s'est laisse saisir et dont les analyses introduirent une toute nouvelle vision de l'histoire de l'art.

Ceci se rapporte au travail sur les deux tableaux de Botticelli que le jeune Warburg a entrepris en vue du titre de docteur (1983) et surtout en vue d'une veritable remontee vers les sources perdues que ces tableaux promettaient. Grace a leur analyses Warburg constate l'existence d'une multiplicite allant au dela du simple eclecticisme d'epoque, mais plus en general renvoyant a une histoire des images entendue comme un agencement de complexites, de "surdeterminations".

Les tableaux representent de veritables rhizomes de "sources" partant de l'antiquite jusqu'a la litterature humaniste: l'erudition de Warburg recouvre une quantite extreme de sources jusque la negligees. En plus le jeune historien interprete d'obscurs symboles culturels par quoi il ouvre la voie a la nouvelle pratique – iconologique de l'histoire de l'art.

Il n'est guere surprennant que ses conclusions et decouvertes n'ont cesse d’etre revisitees et pourtant le cas du Printemps est toujours reste un mystere tant au niveau de la datation qu'au niveau du commanditaire. La discussion sur la signification et le role des personnages persiste: tel l'ambiguite de Mercure et sa liaison avec l'heraldique politique de la famille Medicis, telle l'abondance de la vegetation et la presence des personnages mythologiques renvoyant au jardin paradisiaque et au renouveau paien. L'operation de conversion entre nature et culture dont l'image serait le Printemps de Botticelli signifirait aussi un "printemps" politique desire par les Medicis.

Warburg n'ignora non pus l'ancrage de toute peinture dans la culture materielle. Si on isolait les differents aspects de la culture, on trahirait d'apres lui la complexite d'une culture. Il faut donc envisager aussi l'importance de la culture visuelle du Quattrocento (rituels, fetes, theatre...) pour "comprendre" l'art de Botticelli. Il est vrai que Politien, poete humaniste, etait l'eminence grise de l'iconographie du Printemps, il n'est pourtant pas la "cle" qui devoilerait toute realite du tableau. Ce qui importe est une comprehension dynamique des sources litteraires du tableau puisque la poesie elle meme se trouve a la bifurcation des elements heterogenes. Le point de vue anthropologique permet de saisir cette complexite. Ici la "source" litteraire vaut surtout pour sa capacite a nous faire toucher du doigt la "vie" meme dont un tableau de Botticelli avait fait en son temps partie integrante.

Deux courants interpretatifs accompagnent ce tableau au sein de l'histoire de l'art (inities involontairement par Warburg): l'un intelectualiste voyant dans le Printemps une theorie de l'Amour et de l'Humanitas et l'autre anti-philosophique en relation avec des rites et fetes. Les deux en fait se caracterisent par un rejet de complexites et signalent un malentendu sur ce que c'est une "source" et son "influence". Particulierement les idees philosophiques derangeaient et considerees comme un corps de doctrines elles ne pouvaient effectivement donner reponses au tableau. Mais elles sont, comme toute production d'esprit, des fluides, des configurations manipulables a loisir et comme telles elles subissent en la peinture quelque chose comme un "devenir corps".

Autant les motifs fluides du Printemps attiraient l'interet de Warburg, autant l'histoire de l'art que ce dernier mettait en place etait une dynamique des fluides. Il est simplifie de parler d'une "source" comme d'un basic texte au sens de Panofsky, les "sources" selon Warburg non ni point d'origine, ni une fin ultime, elles ont bien plus un caractere de montages: montages de sens et de temps. Pour cela les "sources" alluvionnees dans le Printemps de Botticelli sont indirectes, ramifiees, melangees, deplacees, malentendues et enfin anachroniques. Ainsi, ce sont les notions de tradition et de transmission que Warburg redefinit, et on reconnait a l'evidence les trois notions-concepts majeurs de sa reflexion qu'il developpera au cours de sa carriere.

Nachleben, Pathosformeln, Einfühlung.